Evolution de l'acte écrit
Les premiers textes d’archives « français » sont des papyrus émanés de la chancellerie des rois mérovingiens. C’est là exception et les premiers documents des archives départementales sont écrits sur parchemin. Le parchemin était une peau (de mouton dans nos régions méridionales ou de veau – le vélin – beaucoup plus rarement), bien lissée et poncée côté chair, ce qui en faisait un matériau parfait pour l’écriture et d’une grande solidité.
C’était produit de luxe car si la « matière première » était à portée de main, il fallait abattre des animaux jeunes qui n’avaient donc guère produit. Le début du Moyen-Age nous a ainsi légué des actes écrits sur de tout petits morceaux aux découpes suivant les contours naturels des peaux. Les parchemins s’agrandiront au fur et à mesure que l’économie progressera, puis se relieront en livre (le codex) ou se coudront et se colleront en rouleaux pouvant atteindre plusieurs mètres de long. Connu en Chine au 1er siècle de notre ère, venu par le Moyen-Orient, Byzance, la Sicile et l’Espagne, le papier atteignit le midi de la France au XIIIe siècle. Des chiffes de lin ou de chanvre immergées dans de l’eau formaient une pâte qui se déposait sur une toile métallique où elle séchait. Ce papier ancien est très épais et lui aussi d’une grande solidité. Il prit petit à petit, à partir du XIVe siècle, le pas sur le parchemin qui, sous l’Ancien Régime, ne fut plus utilisé que pour des actes très solennels. |
Le papier s’imposa pour des siècles. Aujourd’hui, devenu papier de bois, il est de bien plus mauvaise qualité que le papier médiéval et pose de graves problèmes de conservation. Depuis quelques décennies, les archives sont gagnées par de nouveaux supports : microfilms, microfiches, bandes magnétiques, CD, DVD...
La plume d’oiseau succéda au calame ou roseau taillé. L’encre était un liquide épais et noir à base de noix de galle et de sulfure de fer que l’on délayait au fur et à mesure des besoins. Des encres de couleurs pouvaient être obtenues à partir de sels de cuivre décomposés. L’écriture des premiers textes d’archives, bien calligraphiée, pose le problème de la résolution de nombreuses abréviations. Mais les difficultés de lecture croissent avec le temps, au fur et à mesure que, grâce au progrès de la taille des plumes, du traitement du parchemin puis grâce à l’aisance offerte par le papier, l’écriture devint de plus en plus cursive. Pour un chercheur moderne, les textes du XVIe siècle, voire du début du XVIIe sont les plus redoutables… A partir du XVIIIe siècle par contre, l’écriture, de plus en plus proche de celle qui est la nôtre, ne gêne plus guère un lecteur tant soit peu attentif. |
Mention doit être faite des dessins, parfois réalistes, le plus souvent fantastiques ou caricaturaux, qui ornent souvent, à partir du XIVe siècle surtout, des registres « ordinaires », reconnaissances, livres de comptes, documents fiscaux…, avec une floraison particulière au siècle de la Renaissance, et qui nous émerveillent aujourd’hui, nous qui ne nous attendons guère à trouver ce genre de fantaisies sur nos documents administratifs.
L’usage de la machine à écrire ne se généralisa vraiment dans l’administration qu’après la Seconde Guerre mondiale, offrant aux chercheurs du futur en clarté d’une lecture enfin parfaite ce qu’elle enlève d’humain à l’écrit… Mais en est-il vraiment pour le regretter ?
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Jusqu’au XIIIe siècle, la langue des chartes est en général le latin bien que souvent émaillé de mots occitans, surtout noms de lieux et de personnes et mots techniques (mesures, appellation des pièces de terre, termes de construction, productions du sol…). Tandis que le latin restait la langue des clercs, donc de tous les actes ecclésiastiques, l’occitan devint au cours des XIVe et XVe siècles la langue écrite des communautés d’habitants puis de l’administration comtale et enfin, à l’aube du XVIe siècle, de quelques notaires. Le français n’est présent dans les archives médiévales ariégeoises qu’au travers des actes royaux. L’ordonnance de Villers-Cotterêts imposa en 1539 le français dans tous les actes administratifs. Le passage du latin ou de l’occitan à la langue du nord du royaume ne se fit pas en un jour ; c’était une langue étrangère, donc savante, et son emploi précéda l’Ordonnance dans des milieux lettrés en une attitude que l’on pourrait qualifier de snobisme alors qu’il ne la suivit que de loin dans les campagnes. Les trois langues se côtoyèrent longtemps dans l’écrit en se mêlant parfois dans un même texte selon le degré de connaissance du français du rédacteur. Des mots occitans subsistèrent de toutes façons jusqu’à la fin de l’Ancien Régime lorsque l’équivalent français n’existait pas ou était mal connu. |
Durant le Haut Moyen-Age et jusqu’au XIe siècle, les actes étaient souscrits, c’est-à -dire qu’ils portaient mention de leur auteur et des témoins confirmant leur validité ; cette mention était autographe quand les souscripteurs savaient écrire, sinon, elle était écrite par le scribe et complétée d’un signum (fréquemment croix mal habile ou simple trait). Au XI et XIIe siècles, on eut souvent recours à la pratique du chirographe  : on écrivait deux fois le même texte sur une peau avec au milieu une ligne de grandes lettres (alphabet ou invocation divine) ; on séparait les deux parties – chacune allant à un des contractants – en découpant, parfois en « festons », au milieu de cette ligne ; dans le cas d’une contestation future, on prouverait l’authenticité de chaque acte en faisant coïncider les découpes. |
A l’origine solution de remplacement en cas de souscripteur illettré, lesignum ou seing manuel devint, sous une forme de plus en plus compliquée pour éviter les contrefaçons, le signe de validation des professionnels de l’acte écrit, au premier rang desquels les notaires. L’institution notariale issue du droit romain et développée dans l’Italie du Haut Moyen-Age pénétra en France méridionale au XIIe siècle et y règnera sans discontinuer. Dans ces pays de droit écrit, le notariat fut l’institution d’authentification de tous les actes privés. Un « petit seing » élaboré autour des initiales ou du nom du notaire en un tracé plus rapide que celui du grand seing solennel prit de plus en plus d’importance et évolua du XIVe au XVIe siècles en une véritable « signature ».
Le sceau , empreinte sur une matière malléable d’une matrice portant la marque symbolique d’une personne physique ou morale, n’apparut pas dans notre région avant la fin du XIIe siècle et, comme dans la plupart des pays de notariat, ne s’y diffusa guère. Seuls les comtes, quelques villes et les dignitaires religieux eurent ici un sceau. Aboutissement de l’évolution du sceau du secret  ou signet , petits sceaux utilisés par les rois pour des actes administratifs ou personnels, le cachet  de cire était apposé directement sur le papier (alors que le sceau l’était sur les lacs pendants), l’empreinte était faite sur la cire elle-même ou sur le papier qui la recouvrait. Le cachet fut remplacé par le timbre , marque encrée ou sèche portée sur l’acte lui-même sans intermédiaire de cire.
Timbre et signature restent les marques de validation contemporaines.