Contestation et démocratie

Avec des formes très variables, l'opposition à l'autorité exista toujours et les archives de police et de la justice abondent en témoignages.

Cette opposition pouvait s'inscrire dans le cadre de la « grande » histoire, des comtes de Foix du XIII° siècle, âmes des luttes languedociennes pendant la crise albigeoise, à Gaston Fébus tenant tête aux rois de France et d'Angleterre, des violences inouïes des guerres de religion du XVI ° siècle à la résistance héroïque du Mas-d'Azil face à l'armée de Louis XIII et au courageux culte du «Désert» menant les protestants du pays de Foix jusqu'aux galères du roi...

 

Mais l'opposition la plus populaire, généralisée et permanente, s'exerça dans les domaines de la fiscalité, des droits d'usage et des levées militaires. Elle se manifestait quotidiennement par une résistance passive fort efficace – non paiement des impôts ou des droits seigneuriaux, délits forestiers et de pacage, refus de partir à l'armée du roi, de la Nation ou de l'Empereur- et ne devenait violente que lorsqu'un agent de l'autorité – le seigneur, le roi puis l'État- intervenait : ce pouvait être alors des «attroupements» parfois masqués, pratique qui culmina avec la fameuse «Guerre des Demoiselles» autour de 1830 et qui fut très rarement sanglante, ou assassinat pur et simple, anonyme et malheureusement fréquent.

Négation de l'autorité était aussi la délinquance, surtout quand elle prenait la forme de bandes de brigands qui chroniquement ravageaient la contrée, tout particulièrement en zone frontalière où l'on pouvait facilement s'esquiver de l'autre côté.

Mais le peuple ne fut pas toujours placé face à l'autorité; il eut aussi à l'exercer. Dès le Moyen-Age, les luttes électorales urbaines furent âpres et remplissent les archives de nos villes. La vie démocratique à l'échelle du pays naquit de la Révolution qui nous a légué des témoignages innombrables de l'effervescence parfois dramatique des opinions.

Depuis, ces opinions n'ont jamais cessé de se manifester : sous les régimes non démocratiques dans la clandestinité mais aussi, et ce fut fréquent en Ariège, par des absences ou des refus plus ou moins provocateurs, par des chansons, des pamphlets, des caricatures, des actes de dérision, et sous la République par les élections, la vie des assemblées électives, la presse, les manifestations publiques, qu'elles soient purement politiques ou de revendications de travailleurs. Tout cela apparaît dans les archives de préfecture ( rapports de préfet, dossiers de police) et de justice, dans des dossiers de personnel surtout quand ils concernent des personnes ayant une grande influence morale sur les populations (clergé, enseignants...) dans l'immense production d'affiches, tracts et brochures «d'opinion» en tous genres. Ces sources s'enrichissent ici des rapports entretenus avec ceux qui fuirent les persécutions religieuses ou politiques d'un côté ou de l'autre de la frontière, des cathares aux républicains de 1936.

 

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